L'Australie : Cairns
Souvenirs en Technicolor
En cette période de confinement prolongée, j’ai souvent nourri le projet de revisiter mes voyages. J’ai commencé à classer mes fichiers d’images pour libérer de l’espace de stockage sur mon ordinateur, et les souvenirs se sont mis à défiler, lointains, comme s’il s’agissait d’une autre planète, ou d’une autre vie.
Je me souviens de l’époque où l’on pouvait partir sur un coup de tête. Parler de l’Australie. S’apercevoir que Google Flights propose des billets à rabais pour le mois prochain. Réserver la dernière place à prix réduit, sans savoir où l’on va. Voir apparaître, quelques minutes plus tard, la confirmation de réservation dans sa boîte de messagerie : félicitations, vous venez bien d’acheter un aller-retour pour l’autre bout du monde.
Les souvenirs de mon voyage en Australie sont aujourd’hui couverts d’un nuage d’irréalité. Je me vois en costume de plongée, à la grande barrière de corail. Oui, c’était bien mon visage qui se trouvait sous ce masque. Mon regard a bel et bien surplombé le fond de l’océan. Quarante mètres sous la coque du bateau, des formes bleues, roses et orangées se me sont apparues dans une transparence de verre, comme une traînée de poussière intergalactique.
À deux endroits, le fond de l’océan était endommagé par les visites trop nombreuses des gens venus voir cette merveille du monde. Les coraux étaient blancs, et comme inertes. Ils paraissaient presque morts. À l’époque, je m’étais demandée si les visites s’arrêteraient à temps pour freiner l’érosion irréparable de cette merveille du monde. C’était en 2016.
Je n’imaginais pas qu’il était possible de ralentir la marche de cette gigantesque industrie touristique : le ballet constant des avions dont les trajectoires formaient des autoroutes à plusieurs voies d’un continent à l’autre, l’écotourisme à la va-vite, la volonté pressante, et sans doute un peu morbide, de s’immerger dans un milieu naturel avant que les merveilles du monde naturel ne disparaissent pour de bon.
En même temps, à Cairns, bien avant la mise en place des mesure sanitaires, l’intensité des activités touristiques était naturellement limitée par les prix exorbitants auxquels s’élevaient les visites à la grande barrière de corail. Il n’y avait que trois compagnies avec lesquelles l’on pouvait faire affaire pour barboter dans l’eau, en évitant les endroits où les crocodiles marins peuvent côtoyer les requins gris des récifs et les méduses bleues.
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